« Sa musique décrivait un coin du ciel, une façade éclaboussée de lumière, invisibles sans jazz. Il jouait et la joie se réveillait d’un rien et de partout ». Philippe Hayat
Je n’ai pas pour habitude, ni de chroniquer des livres ni de relire deux fois le même livre.
Alors que se passe-t-il ? Et pourquoi ?
Étant auteure moi-même, je ne pense pas être la mieux placée pour vanter ou décrier un ouvrage littéraire. Je ne sais que trop le temps, l’angoisse, la solitude pour écrire un roman. L’ego aussi… Et je ne m’autorise pas la critique bonne ou mauvaise.
Mais voilà de toute cette saison « maudite » de la Covid, je n’ai pas beaucoup pris l’air, pas envie et écrire ? Pas envie ! Alors que me restait-il ? La lecture ! L’évasion dans la lecture est mon arme avérée pour mettre de l’ordre dans mes idées. Rêver, respirer, vibrer dans les pas d’un auteur m’aide à avancer. À voir clair dans ce que l’humanité peut m’apporter. Et ce roman est humain avant tout !
J’ai donc beaucoup lu. De bons et de moins bons livres. Et puis, je ne sais plus par quel hasard j’ai eu entre les mains LE livre qui m’a donné envie de le relire une deuxième fois, pas tout de suite mais quelques mois plus tard. Je devine, vous vous impatientez. De quel livre parle-t-elle ? J’y arrive : Philippe Hayat « Où bat le cœur du monde ».
En 1935 à Tunis, un petit garçon, Darius, est frappé de mutisme suite à un événement tragique ; un pogrom où son père, parce que juif, est battu à mort et sa librairie saccagée et brûlée ! Le père disparu, cet enfant muet et boiteux, blessé lors du pogrom, doit survivre avec sa mère Stella. Il n’aime pas l’école. On se moque de lui, mais il aura toujours la chance (dans son grand malheur) de rencontrer la bonne personne au bon moment. Un jour, Stella lui demande de l’accompagner pour l’aider à tenir le vestiaire d’un théâtre. Pendant l’entracte, il entend de la musique, s’échappe guidé par les sons et là son destin bascule : « Qui parle ? se demandait-il (Darius). Plus fortes que les mots, ces notes avaient le pouvoir de lui tirer des larmes. Le musicien, l’instrument, qui parle ? Nulle tristesse pourtant mais Darius pleurait ».
La musique se révèle à lui, plus forte que son amour pour sa mère, plus forte que sa mutité. Des notes plus fortes que les mots. Au petit matin il part, abandonnant ses études pour le jazz. Il va tout connaître, la faim, le froid, la drogue, des musiciens qui l’initieront et Lou et Dinah... Pendant toutes ces années, Stella sa mère l’attendra avec tout le désespoir d’une mère qui n’a vécu que pour son fils. Je ne peux vous en dévoiler plus, je vous laisse découvrir la fin, très poignante.
La plume est alerte, concise, aussi légère qu’un air de musique faisant « battre le cœur du monde ».
Avec Darius, on visitera Tunis et ses faubourgs, les pogroms ; l’Amérique et ses générosités envers les jeunes artistes mais aussi ses débordements et le racisme.
Si vous aimez la musique des années 50/60, le jazz, le saxophone, Gershwin, Duke Ellington, Billie Holiday… alors laissez-vous porter.
Avec Darius, Max et Stella, Lou et Dinah, ces amoureux de la Vie, ces personnages haut en couleur, on est transporté au cœur du monde avec la musique qui rythme son tempo. Toutes les émotions sont réunies et pas de mièvreries. Aucune fausse note !